Expérience de Shirley infirmière, formatrice Montessori

Témoignage d’un papillon en confinement

Il y a peu de temps, notre vie a été secouée pour le déroutant Coco (alias coronavirus) qui a poussé le monde entier à sortir de sa zone de confort.

Ma société étant obligée d’arrêter ses activités, c’est donc comme tout le monde que j’ai été amenée à sortir de la mienne.

Je m’appelle Shirley et je travaille depuis 5 ans à temps plein au sein d’AG&D/Montessori Lifestyle, où je m’épanouis, entre autres missions, dans mon rôle de formatrice.

Mais voilà je suis aussi, et surtout, infirmière diplômée depuis 16 ans et aujourd’hui en décalé de la réalité de terrain que j’ai côtoyé pendant 11 ans.

Forte d’un besoin de me sentir alignée avec les valeurs prônées dans mon travail, j’ai pensé qu’il était temps pour moi de retourner en zone de combat (quelqu’un d’assez haut placé à priori aurait dit que c’était la « guerre » hein quand même …).

Voici donc le modeste témoignage d’une infirmière chenille devenue papillon grâce à la philosophie Montessori et qui est retournée sur le champ de bataille en temps de Covid 19.

Je me suis donc portée volontaire et j’ai battu des ailes pour m’envoler en direction d’une maison de retraite qui a bien voulu m’accueillir pour aider les équipes et accompagner les habitants.

C’est avec appréhension et envie que je suis arrivée au milieu de ce confinement qui isolait physiquement et psychologiquement toutes les personnes âgées et obligeait les équipes à une réorganisation totale de leurs priorités, avec pour les 2, un changement d’habitudes total qui allait être, forcément, source de turbulences.

C’est ainsi que j’ai pu être tantôt infirmière, aide-soignante, et auxiliaire de vie auprès des équipes. J’ai eu la chance de vivre ce moment où les barrières sont levées sur les rôles de chacun, pour remplir chacune de ces missions professionnelles car l’entraide était le maître mot.

Cette crise a eu le mérite pour moi, d’être révélatrice d’une vérité pourtant évidente et si souvent oubliée : nous travaillons tous ensemble dans la même direction, pour le bien être des personnes accompagnées !

Elle a mis en évidence les possibilités sur le fait d’apprendre à travailler les uns avec les autres sans cloisonnement, de découvrir les capacités de mes collègues dans chacune de leurs spécialités et surtout de réorganiser les missions de tous au profit des besoins des personnes accompagnées avec un respect, autant que possible, du rythme de chacun en cette période si bouleversante.

C’est à ces différents moments, que je me suis rendue compte à quel point la vision Montessori m’a faite grandir dans ma posture auprès des personnes âgées.

Avec ma casquette d’infirmière et dans les soins infirmiers que l’on m’a confiés

Je me suis retrouvée à avoir une approche totalement différente dans la manière de me présenter, d’expliquer mon acte, de rendre la personne actrice, de mettre en place des aides externes en cas de difficultés à se rappeler et d’amener autant que possible du contrôle dans chaque interaction.

Que ce soit dans la distribution et prise des médicaments, dans la réfection de pansements ou de prise de sang, par exemple, ma priorité fût toujours située dans le soin relationnel à utiliser, ce qui m’a permis d’établir un contact positif avec des personnes parfois opposantes et dites « difficiles ».

J’ai senti une relation de confiance s’installer au fur et à mesure de nos rencontres pour des soins pas toujours « agréables » et ce, malgré le fait que les personnes ne me connaissaient pas.

Avec casquette d’aide-soignante et dans les soins personnels que l’on m’a confiés 

J’ai été amenée à accompagner une dizaine de personnes différentes au cours de leurs toilettes et moments intimes.

Au début, maladroite et ralentie car ne les connaissant pas, je me suis rendue compte à quel point leur histoire et leurs habitudes de vie étaient des éléments indispensables à leur accompagnement et pour la relation que nous allions établir.

C’est donc naturellement que je me suis sentie curieuse de tout, en recherche du moindre petit élément que la personne pouvait me donner sur elle ou que mes collègues pouvaient m’offrir de leur connaissance et expérience de la personne.

Lors d’accompagnements à la toilette de personnes en difficultés de communication verbale et avec une mobilité très réduite, grâce à cette vision différente j’ai eu la chance d’observer l’ensemble des capacités encore existantes chez elles.

En utilisant les principes : parlez moins, montrez plus ; diviser l’activité en sous étapes, proposer du choix. J’ai pu voir des yeux s’illuminer, des mains bouger, des vêtements choisis, des personnes actrices de ce moment partagé sans agressivité et avec une sérénité grandissante au fur et à mesure de nos rencontres.

J’ai aussi constaté qu’à l’utilisation de ces principes, je ne mettais pas plus de temps que mes collègues et que je pouvais donc être efficace dans le soutien que je voulais leur apporter.

Avec ma casquette d’auxiliaire de vie et dans les soins d’environnement que l’on m’a confiés

Je suis rentrée dans les vies isolées des personnes pour lesquelles j’ai senti une grande détresse pendant ce confinement.

J’ai perçu que les habitudes prises par les personnes de toujours faire des remarques sur les moindres détails de mes actes avaient, en réalité, pour but de demander plus d’attention et de présence.

De la même manière que j’ai observé que de prendre 5 minutes pour parler avec eux avant même de commencer à faire quoique ce soit dans leur chambre, quitte à sacrifier un acte non primordial ce jour-là, changeait toute la relation et faisait disparaître peu à peu ces demandes inopinées et souvent sources de conflit car considérées comme chronophages.

Je me suis retrouvée à faire le lit avec une habitante ayant de grosses difficultés cognitives, en l’accompagnant sur le plus important : qu’il soit « fait par elle » et non « parfait » comme nous pouvons si souvent le faire comprendre par nos routines de travail en faisant à la place de l’autre et où l’erreur semble ne pas avoir sa place.

J’ai remarqué que cette activité du quotidien, sur laquelle j’ai voulu passer un peu de temps dès que je le pouvais, contribuait à amener une grande satisfaction dans son besoin d’être utile et de se réaliser dans cette journée où elle était cloîtrée dans sa chambre et condamner à tourner en rond car cette dame avait un fort besoin de marche pour ne pas dire de « déambulation ».

Aides externes et confinement

Je me suis confrontée à la détresse des équipes face aux contraintes de l’isolement à faire comprendre et respecter aux personnes.

Ainsi qu’à la détresse des personnes âgées devant rester enfermées, en difficulté d’accepter ce qu’on leur imposait ou de l’intégrer pour certaines ayant des troubles de mémoire.

C’est là où l’utilisation d’aides externes à utiliser au quotidien comme prothèse de la mémoire, a eu à plusieurs moments des effets salvateurs.

C’est grâce à des aides comme les pancartes adaptées indiquant que les repas étaient servis en chambre et pourquoi, que nous avons pu le faire intégrer en douceur à certaines personnes très désorientées et retrouvées dans le couloir, perdues, à la recherche de ce qu’elle devait faire pour aller manger.

Évitant ainsi de rentrer en conflit avec la personne qui ne se souvient pas et l’aider à comprendre en douceur ces changements d’habitudes si perturbants.

Je me suis aussi beaucoup appuyée sur le livre adapté Montessori expliquant ce qu’est le coronavirus et ses conséquences.

J’ai vu des personnes avec des difficultés visuelles et/ou de mémoire, apprécier la lecture de ce livre qui leur était destiné pour les tenir informées et le relire au besoin autant que nécessaire.

J’ai été confrontée au décès dû à la Covid 19 d’une dame dont la sœur Mme M était au sein de l’EHPAD. Elles étaient toutes les 2 très proches et la perte de sa sœur a été une vraie épreuve, comme pour toute personne perdant quelqu’un dont il est proche, peu importe la présence de troubles cognitifs.

L’annonce du décès a été faite par l’équipe, qui a même accompagné Mme M à voir le corps de sa sœur, mais bien entendu celle-ci ne s’en souvenait pas dans les instants qui suivaient. J’ai pu réfléchir dès le lendemain à une idée d’aide externe à mettre en place pour accompagner Mme M dans ce deuil et aider aussi les équipes qui se retrouvaient très gênées de devoir annoncer la nouvelle à chaque demande en boucle.

J’ai proposé à Mme M une aide pour écrire un message comprenant l’information sur le décès de sa sœur, le fait qu’elle se soit recueillie auprès de son corps et ce qu’elle espérait pour elle spirituellement à la suite de ce décès.

Elle a accepté volontiers, nous avons écrit ce mot toutes les 2 et elle a choisi de le garder sur la table de sa chambre.

Après avoir invité les équipes à utiliser ce message auprès de Mme M dès qu’elle demandait où était sa sœur, qu’elle ne fut pas surprise et ma grande joie de découvrir 2 jours après, que cette dame, avec de grosses difficultés pour enregistrer des informations, parlait du départ de sa sœur et de l’immense tristesse qu’elle ressentait de savoir cette nouvelle.

Ce fût un moment magique pour moi de voir cette capacité émergée chez Mme M, nous permettant ainsi de pouvoir l’écouter et l’accompagner dans cette épreuve de vie.

Conclusion sur charge de travail et vision

J’ai reçu un accueil chaleureux de la part de l’équipe et de la confiance de l’encadrement dans ma position de volontaire au sein de cette maison. Je me suis sentie assez libre de faire ce que je pensais, au plus juste dans mes accompagnements et je les en remercie.

J’ai senti que la situation était bien sûr difficile pour tous avec un changement des conditions de travail mais qui, malgré un alourdissement de tâches avec les mesures liées à la  Covid 19, permettait aussi de redéfinir les priorités de soins et l’ensemble des tâches à faire sur une journée.

La charge de travail dépend évidemment des organisations et en même temps il est fondamental de réaliser que c’est aussi de la responsabilité de chacun, d’essayer de faire des choses différentes et de faire de petites choses avec les personnes dans les moindres moments passés avec elles car ce sont ces petits détails qui font les grandes différences.

Il y a évidemment des jours où j’aurais voulu faire plus et des jours où j’ai eu l’impression de donner mon maximum. Les journées se suivaient et ne se ressemblaient pas forcément mais j’avais toujours cette même conviction, que cette vision était celle que je veux continuer à défendre pour le bien être des personnes et que bien que très imparfaite, j’ai essayé de faire de mon mieux pendant cette période et me suis sentie un papillon totalement libéré dans ce confinement.

 

Shirley

Pour aller plus loin découvrez la fiche d'expérience régionale sur la méthode Montessori au sein de l'EHPAD de La Bréole (04)