Devenir proche aidant

 

Le temps de la personne et le temps des évènements et des systèmes

Parfois un événement particulier de santé de l’aidé ou de l’aidant se produit sans anticipation:

 

· Santé de l’aidé : chutes, fatigue, AIT,AVC, palier de perte fonctionnelle

· Santé de l’aidant : décès de l’aidant,...

· Décès du conjoint

· Aidant naturel qui déménage (mutation pro)

· …

 

L’aidant prend conscience ou est forcé de prendre conscience par un évènement, avec les étapes suivantes :

 

  • Commence à en parler à un proche ou un professionnel (famille, voisin, médecin traitant, collègue,…). Angoisse, colère, culpabilité, besoin de reconnaissance des actions effectuées, besoin d’écoute pour recherche d’approbation, de consensus, début de renoncement. Prise de conscience.
  • Recherche d’informations et de solutions matérielles et logistiques, psychologiques puis recherche de soutien administratif. Étapes de cheminement psychologique. Aspect psychique très important dans la relation aidant/aidé : renoncement à la perte d’autonomie difficile à accepter. 
  • Les solutions pour l’aidé et pour l’aidant posent des questions de choix et d’équilibre de vie. Culturellement et socialement, le choix de vie de l’aidé est traité en premier lieu avec des notions immatérielles pour l’aidant : temps, double peine (demandeur d’emploi et aidant, ..). 
  • On assiste à la première génération qui choisit de déplacer le curseur sans accueillir les aidés au domicile des aidants,  contrairement aux générations précédentes pour rendre les deux choix de vie compatibles : harmonie et équilibre pour les aidants et les aidés. La génération des trentenaires est plus ouverte pour aborder le dialogue.
  • Décisions et mise en œuvre : un passage à  l’action obligatoire car souvent il n’y a pas la possibilité d’agir autrement.

 


 

Devenir aidant n'est pas sans conséquence

 

  • Conflits familiaux ∙ Répartition insatisfaisante des tâches ∙ Mésentente ou ambiguïté par rapport aux rôles des membres impliqués dans l’offre de soutien
  • Manque de temps pour effectuer des activités sociales, familiales et personnelles
  • Absence d’énergie pour faire autre chose que les tâches associées à son rôle d’aidant
  • Obligation d’offrir une présence constante à la personne ayant besoin de soutien et absence de remplaçant pour permettre du répit
  • Préoccupations d’ordre légal 
  • Démarches pour une demande de régime de protection lorsque la personne ayant besoin de soutien ne semble plus en mesure de prendre des décisions pour et par elle-même 
  • Responsabilités supplémentaires lorsque le proche aidant est le tuteur légal de la personne à qui il offre du soutien 
  • Défense de ses droits et de ceux de la personne ayant besoin de soutien
  • Difficultés financières 
  • Baisse de revenu associée à une réorganisation des heures travaillées, à un changement d’emploi ou au fait de quitter son emploi pour offrir du soutien 
  • Dépenses pour la personne ayant besoin de soutien (médicaments, rénovations pour adapter l’environnement…) 
  • Isolement social
  • Méconnaissance des services d’aide du réseau public (subventions, services CLIC pôle infos senior, et autres) 

 

L’aide s’accompagne également  d’effets positifs :

  • L’aide peut tout d’abord entraîner le resserrement des liens
  • L’aide valorise par ailleurs l’utilité de l’aidant, donne du sens

Cependant « à niveau de contraintes égales, les aidants ne vont pas forcément avoir le même vécu de la situation » et donc potentiellement (si l’on extrapole ces résultats), pas les mêmes besoins de soutien. 

Il existe des outils pour évaluer et mesurer cette charge ressentie :

Ainsi,  le document “Repérage de la fragilité chez les aidants informels de personnes âgées de 70 ans et plus, retraitées, en GIR 5 et 6 et vivant à domicile et mesure d’impact du plan personnalisé par la CARSAT Sud-Est” présente un questionnaire sur la fragilité des aidants ( partie 2).

On peut citer aussi l’échelle de Zarit et la Caregiver Reaction Assessment (CRA).

D’autres évaluations existent notamment le questionnaire de dépistage de l’abus chez les aidants naturels DACAN, évaluation des aspects affectifs et physiques dans l’épuisement, l’inventaire du fardeau et l’échelle d’Hamilton d’évaluation de la santé.

Il est important de considérer l’aidant dans toutes ses dimensions :

 

 

La typologie des besoins

Chaque cas individuel est différent, procède d’une combinaison de différents facteurs, et passe par des stades différents dans le temps. Il y a peu d’outils complets pour évaluer la situation d’un aidant spécifiquement, et surtout pour identifier et prioriser les actions et les réponses à lui apporter. En voici un :

Modèle d’analyse de la Dynamique Identitaire Globale de l’Aidant (DIGA)

Source : Sébastien Gand, Léonie Hénaut, Jean-Claude Sardas. Soutenir et accompagner les aidants non professionnels de personnes âgées : de l’évaluation des besoins à la structuration des services sur un territoire. 2012

Ou l'outil de Repérage et d'Observation de la Situation d'un Aidant (ROSA) par l’association Française des Aidants (pour les professionnels ayant suivi la formation).





Pour concevoir un service ou une offre d’aide aux aidants, il est cependant intéressant de dresser des listes qui permettront par la suite d’analyser de façon systématique (l’offre existante, le rôle que l’on souhaite jouer, les possibilités complémentaires des partenaires, …).

Pour bien clarifier l’analyse, nous proposons une première liste en 10 besoins. Certains sont souvent coexistants ou très reliés :

Avec cette liste de besoins, il paraît utile de reprendre les grandes catégories d’aidants de séniors : la formulation des besoins, la façon d’atteindre l’aidant et de répondre à ses besoins peuvent en effet grandement varier selon qui il est :

Enfin, la liste de ces besoins devrait être modulée également selon le temps ou le moment où l’aidant se trouve dans son parcours. 

Il y a des priorités dans les besoins selon ces situations, voire des aides inaudibles ou inacceptables à certains moments (mais pas à d’autres !) :

 

Focus : dynamique relationnelle et psychologique

Chaque situation est singulière et s’inscrit dans un contexte familial qui est un matériau sensible dont il faut impérativement tenir compte dans l’aide à proposer aux aidants.

Prendre en considération l’aidant, la reconnaissance et la gratification symbolique est essentielle à défaut d’être administrative.  Valoriser l’aidant dans ce qu’il a fait et ce qu’il est susceptible de faire encore pour l’aidé dans une juste mesure. L’aidant est la colonne vertébrale du système d’aide. L’humain c’est aussi du soin. 

Proposer de développer le système d’aide autour de l’aidé pour que l’aidant ne soit pas le seul porteur du projet et de la responsabilité. Alléger la charge mentale permet de prévenir le syndrome d’épuisement. On accompagne du mieux que l’on peut mais jamais seul. Développer la configuration d’aide.

Encourager la communication entre l’aidant et les diverses personnes, équipes qui accompagnent l’aidé.

Accueillir la parole et les émotions, proposer une écoute et un dialogue, partager les expériences.

Orienter vers les personnes ressources, psychologues, associations d’aidants et des groupes de paroles. L’association Avec nos proches peut être contactée par téléphone, ce sont des aidants qui répondent et ils orientent vers des structures locales. 

Accompagner dans l’acceptation de la situation et d’eux-mêmes, dans ce qu’ils peuvent encore donner et ce qu’ils peuvent déléguer.

Déculpabiliser et rassurer, d’autres personnes sauront s’occuper de l’aidé de manière technique, professionnelle et bienveillante.

Les encourager à prendre des temps de repos, temps de répit, certaines associations permettent cette organisation sur quelques heures ou quelques jours. Des budgets se sont récemment débloqués pour des temps de répit. Encourager les aidants à s’évader, à retrouver une vie sociale et amicale.

Les inciter à prendre soin d’eux-mêmes : un aidant reposé, apaisé et épanoui influera positivement sur l’aidé, sera plus en capacité de penser la relation et le projet de l’aidé. J’ai pu proposer des échanges téléphoniques avec les aidants après des temps passés avec leurs ainés pour les rassurer en leur absence.

Suggérer des espaces de détente et de lâcher prise : méditation, respiration, yoga, sport, balades, activités artistiques, etc, bref que les aidants se fassent du bien, ils en ont besoin !

Proposer des activités de plaisir partagé entre aidant et aidé, cela existe en EHPAD et cela existe en secteur associatif. Il importe que la relation ne tourne pas qu’autour de la surveillance et de l’inquiétude mais aussi autour de moments de plaisirs culinaires, ludiques ou créatifs.

Faire tiers entre l’aidant et l’aidé pour une meilleure régulation de la relation, des émotions et favoriser l’épanouissement de chacun malgré le contexte délicat.

Organiser et favoriser la formation des soignants concernant la prise en compte des aidants.


 

Focus : les freins à l'aide aux aidants

 

En 2019, 46 % des aidants (contre 26 % en 2015) se considèrent comme tels, soit une augmentation de 20 points par rapport au premier Baromètre lancé en 2015. (Baromètre 2019, Fondation April et BVA)



Il peut être difficile pour un proche aidant de se reconnaître comme tel : 

  • parce qu’il se considère avant tout comme le « proche de » et ne voit pas que son rôle va au-delà jusqu’à se reconnaître comme la personne qui seule est habilitée à décider du futur de l’aidé.
  • parce qu’il peut être réticent à se reconnaître comme aidant du fait notamment de sa représentation du «statut» d’aidant;
  • avec le risque de technicisation du lien, de gommage du lien originel ;
  • avec une crainte d’une réduction de la relation à un binôme déséquilibré (aidant/aidé, soignant/malade, fort/faible);
  • avec une méfiance à l’idée de se sentir « enfermé » dans un rôle.

 

Pourtant, se reconnaître comme proche aidant est une première étape. Cela suppose pour celui-ci d’accepter d’échanger sur la situation et, au besoin de mobiliser des ressources externes ou internes pour répondre aux difficultés identifiées.

Ce préalable peut ensuite lui permettre d’accepter de l’aide, ce qui contribue à la fois à préserver sa santé physique et mentale, mais également à libérer de son temps pour conserver ou retrouver sa place initiale dans la relation (rester l’enfant de, le conjoint de...).

Par ailleurs, même lorsque la personne se reconnaît comme proche aidant, il lui est parfois difficile d’accepter du répit et/ou du relais. Parfois les personnes qui ne demandent pas d’aide sont celles qui sont le plus en souffrance d’où une difficulté supplémentaire pour le repérage des besoins. 





Besoins non exprimés

Paradoxalement et si on prend en compte les caractéristiques de l’aide décrites plus haut, les personnes qui ont vraiment besoin d’aide ne sont pas celles qui l’expriment et donc qui entament les étapes suivantes. Cela peut être également une façon de nier le problème : «je n’ai pas de problème donc je n’ai pas besoin d’aide»; toute acceptation de l’aide peut être perçue comme une forme d’abandon; le proche aidant peut également ressentir une forme de culpabilité à se faire aider. Après avoir déterminé la nécessité de l’aide professionnelle, il convient de déterminer les blocages exprimés ou non.

Permettre à la personne âgée de rester à son domicile est souvent l’objectif du proche aidant. Les solutions perçues comme contraires à cet objectif seront ainsi souvent refusées.

De même l’aidant s’implique de fait dans la préservation de tous les éléments qui constituent l’identité de son proche : traits de caractère, habitudes, goûts... Plus l’aidant se porte garant de cette identité, plus il sera réticent à accepter des solutions qui semblent lui porter atteinte (« Il ne peut pas aimer cette activité », « Il n’aime pas faire de nouvelles rencontres » ...)



Conséquences physiques et psychologiques

  • Tensions émotionnelles :
  • Colère, tristesse associée au fait de voir une personne que l’on apprécie perdre ses capacités 
  • Culpabilité et déchirement par rapport aux exigences de son rôle et au fait de devoir demander de l’aide et de prendre du répit 
  • Épuisement physique et mental occasionné par l’investissement de temps et d'énergie 
  • Stress et fatigue et maux physiques associés aux efforts constants associés aux soins offerts à une personne en perte d’autonomie 

 

Source Document CNSA





Face au refus de l’aide

Par conséquent, les aidants sont témoins de leur propre tension psychologique profonde et parfois inexprimée qu’il convient de détecter aussi les peurs exprimées ou non sont: 

  • Peur devant l’obligation éventuelle du placement en institution car permettre à la personne âgée de rester à son domicile est souvent l’objectif du proche aidant. Les solutions perçues comme contraires à cet objectif seront ainsi souvent refusées;
  • Peur de perte de l’identité de l’aidé. Le proche aidant a également pour objectif de préserver tous les éléments qui constituent l’identité de son proche: traits de caractère, habitudes, goûts... Plus l’aidant se porte garant de cette identité, plus il sera réticent à accepter des solutions qui semblent lui porter atteinte (« Il ne peut pas aimer cette activité », « Il n’aime pas faire de nouvelles rencontres »...);
  • Cas de conscience divers notamment en cas d’acceptation de l’aide qui peut être perçue comme une forme d’abandon

 

Synthèse thématique :